Publié le 30-06-2022.
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Cargonautes (ex-OLVO) propose dès aujourd’hui Cyke, son logiciel de cyclologistique, aux autres entreprises de livraison à vélo. Ce logiciel permet de gérer, de manière intégrée, les livraisons d’une PME de cyclologistique : de la prise de commande et suivi client jusqu’à l’application mobile du coursier à vélo cargo, en passant par le dispatch et la tarification.
Développé et utilisé en interne depuis 2019 (sous le nom initial de Pédalo), Cyke a ensuite été discrètement commercialisé par le bouche à oreille auprès d’une poignée d’entreprises, puis a obtenu un soutien financier apprécié de l’ADEME. Il est à présent accessible sur abonnement à toute structure de cyclologistique, tant que cette structure adhère au manifeste de la cyclologistique responsable.
Il est peu commun de voir une PME, et encore moins une SCOP (Société Coopérative Ouvrière de Production) d’une quarantaine de salariés, autofinancée à la force des mollets, produire son propre logiciel. L’histoire de ce logiciel mérite donc d’être racontée, pour inspirer d’autres entrepreneurs et travailleurs, et au passage en montrer quelques fonctionnalités.
Cyke est né, initialement, d’un simple besoin : offrir une expérience client qualitative aux entreprises clientes de Cargonautes, à l’heure de l’ubérisation, en leur permettant de commander des livraisons et de les suivre. Car Cargonautes est payé par des entreprises qui ont des besoins de livraison (les «chargeurs» dans le vocabulaire métier) et ne l’oublie pas. Et pendant longtemps, Cyke n’a été que cela : une interface client B2B, interconnectée à d’autres logiciels métiers pour le reste des fonctions de Cargonautes.
Lors de la création de Cyke, en 2019, Cargonautes existait déjà depuis trois ans. Et nous nous sommes retrouvés face à un dilemme : notre qualité de service de coopérative de cyclologistique était objectivement bonne… Mais nos clients ne le percevaient pas du tout. Pour eux, commander une livraison était une expérience anti-ergonomique, où ils devaient rajouter des lignes dans des tableurs partagés, reliés derrière au «scotch numérique» à nos autres outils. S’ils avaient une question concernant une livraison, ils devaient nous appeler, et ils nous appelaient évidemment surtout pour les livraisons qui se passaient mal – engendrant une vision déformée de notre service, puisque sans voir l’écrasante majorité de livraisons qui se passaient parfaitement bien. Sans compter qu’à côté, ils avaient commencé à goûter à l’expérience logicielle d’une vague de startups se lançant sur la cyclologistique. Et si nous réussissions à leur donner une interface meilleure que celle des startups, tout en aillant une qualité de service de livraison d’une PME de confiance ?
C’est cette logique qui a guidé la construction de notre interface client. Un dashboard simple, où d’un coup d’œil, le responsable logistique d’une entreprise peut répondre à la question : «est-ce que, aujourd’hui, mes livraisons se passent bien ?».
Des interfaces de commande adaptées au cas de chaque client : vous êtes un fleuriste ? On va vous demander de renseigner le nombre et la taille des bouquets dans un formulaire graphique. Vous avez un site web e-commerce ? On vous propose une API. Vous n’avez pas de développeur à disposition ? Donnez à Cyke un simple fichier Excel avec une ligne par commande, on vous en fera des livraisons. Des livraisons récurrentes ? On pourra vous les programmer (et même vous laisser annuler une occurrence si vous fermez exceptionnellement).
Le pari a été gagné : notre grande fierté est de voir des entreprises clientes avoir goûté aux interfaces de startups ayant investi beaucoup plus d’argent que nous, nous dire que notre logiciel est leur logiciel préféré.
Cyke nous offre des gains d’efficacité conséquents dans la transmission et le suivi de nos livraisons avec nos coursiers locaux en France, le tout grâce à une interface étonnante par sa simplicité !
Bérénice, Responsable des opérations chez Fleurs d’Ici
En construisant cette interface, et en développant le business de Cargonautes, nous avons progressivement compris quelque chose : la cyclologistique n’est pas simplement un maillon de plus à la logistique classique carbonée. On ne remplace pas tel quel des camionnettes par des vélos. Charger dans un entrepôt à 20 km des villes un vélo cargo, avec son volume et vitesse de pointe limités, serait voué à l’échec, et ne tirerait pas parti de ses avantages, comme la vitesse moyenne en ville.
D’une certaine manière, la cyclologistique invente un nouveau paradigme de logistique urbaine : de nouveaux clients, de nouvelles offres (on peut par exemple promettre et tenir des créneaux plus resserrés…), principes de tarification, principes d’exploitation (un hub de chargement urbain, des tournées en boucles courtes qui y reviennent…), et c’est bien le quotidien de Cargonautes depuis le début : innover, trouver des solutions ensemble avec nos clients.
Il est donc peu surprenant que les logiciels existants sur le marché – puisque nous les avons testés – adaptés à la logistique carbonée, ne nous conviennent que moyennement, avec à chaque fois le constat que ça râpe et que cela limite notre innovation.
Une fois ce constat fait, nous avons forcément eu envie d’aller plus loin que l’interface client, et s’attaquer au gros du sujet : les logiciels métier internes, pour dispatchs (répartiteurs de mission) et coursiers. Cependant, il nous fallait – pour une fois – du financement et un partenaire solide pour cela. Nous avons donc répondu à l’appel à projet national Translog de l’ADEME, sans trop y croire – premier appel à projet pour nous, et petite PME face à des gros… Surprise, notre projet les a convaincu, et nous avons été lauréats, avec un financement conséquent.
Depuis fin 2020, nous travaillons donc d’arrache pied à couvrir les domaines manquants pour un logiciel métier complet spécifique à la cyclologistique. Et depuis début 2022, c’est le cas : pour son activité de livraison, Cargonautes s’est débarrassé de tout logiciel externe et tourne entièrement sur une pile logicielle propre. En parallèle de cela, nous avons commencé dès l’été 2021 à commercialiser en beta le logiciel à d’autres entreprises de cyclologistique.
Qu’y a t-il de si spécifique à la cyclologistique ? Autant donner deux exemples parlants.
Là où une camionnette va se charger dans un entrepôt lointain, un vélo cargo fonctionne en tournées courtes et vient se recharger plusieurs fois par jour dans un hub situé en pleine ville. Un dispatch va donc assigner des tournées pré-préparées au fur et à mesure que des coursiers se libèrent et reviennent au hub. Or les logiciels de livraison carbonés partent souvent du principe implicite de la mono-tournée… Cyke permet pour sa part de préparer un ensemble de tournées en avance, non assignées à un coursier, avec plus de tournées que de coursiers, et les assigner au dernier moment.
Avant l’avènement de la cyclologistique, le monde de la livraison urbaine était relativement bien divisé entre la course express, où un coursier allait récupérer un paquet chez un client, puis directement et lui-même le déposer ailleurs, sur délai très court, et la messagerie, où une camionnette partait d’un entrepôt central pour faire sa tournée, sur délai long. La frontière entre ces deux mondes s’était déjà amincie : même pour la messagerie, les chargeurs demandent des délais de plus en plus resserés.
Avec la cyclologistique, la frontière saute entièrement : on fait indisinctement des livraisons départ de l’entrepôt ou départ externe, et l’un comme l’autre peut être demandé sur des créneaux précis.
Cyke permet de réaliser des tournées complexes : on part chargé aux 3/4, réalise une ou deux livraisons, va enlever un colis chez un client, enchaîne sur le reste, en prenant en compte des contraintes horaires fortes…
Dans un vélo cargo, la capacité de chargement est limitée : un graphe de chargement permet de savoir, pour chaque tournée, où on est par rapport au poids et au volume.
Cette interface ouvre également la porte à une rétro-logistique plus efficace, avec consigne et gestion des déchets, secteurs où la cyclologistique se montre très prometteuse.
Si l’on prend un peu de recul, quelque chose frappe dans cette histoire : le processus d’innovation est à rebours de ce qui se fait habituellement dans le numérique.
Si vous souhaitiez monter une startup de livraison en vélo, vous commenceriez probablement par créer votre logiciel avant de vous frotter au marché. Vous feriez ensuite appel à une myriade d’auto-entrepreneurs pour la livraison, et n’auriez dans vos bureaux que des techs et des business developers qui ont rarement livré un colis eux-mêmes sous la pluie en se battant avec les scooters sur la piste cyclable.
Chez Cargonautes, c’est l’inverse qui s’est passé : nous sommes avant tout une entreprise de coursiers. Tout le monde livre – y compris les développeurs. Au moment de lancer Cyke, l’innovation sur l’offre et sur le modèle d’exploitation était faite et éprouvée. Le logiciel est venu se rajouter après.
Or notre grosse force est là : avec un logiciel développé en interne par une entreprise de livraison, nous connaissons par cœur notre métier, nos clients et leurs attentes. Et ça change tout sur la pertinence du logiciel. Nos meilleures idées ont parfois surgi lors d’une livraison ou d’un entretien client. Il est arrivé qu’un coursier-développeur améliore l’application en rentrant d’une tournée. Cyke rentre dans le modèle du dogfooding et du scratch your own itch.
Cyke a un autre avantage, plus politique : il redonne aux PME de terrain la maîtrise d’un outil de production clef. Beaucoup de nos salariés sont d’anciens travailleurs des plateformes ubérisées. Cette expérience nous a fait comprendre à quel point le logiciel est un outil de production particulier, car l’algorithme contrôle le travail et ses modalités. Ne pas dépendre de ces plateformes pour cet outil, c’est se libérer, pouvoir choisir ses clients, les modalités d’organisation collectives, ses prix… Cyke est là pour ça : redonner le contrôle aux entreprises de livraison et à leurs travailleurs.
Cargonautes, depuis 2016, fait partie des précurseurs de la cyclologistique urbaine. Aujourd’hui, la cyclologistique est en train d’émerger sur tous les territoires français, avec des dizaines de projets locaux excitants portés par des personnes et PME qui nous ressemblent, et qui ont un vrai savoir faire de livreur à vélo.
Cependant, d’autres types d’acteurs émergent également, qui nous ressemblent moins. Une vague continue de startups, portées par des levées de fonds, déferle sur le marché, et les grands groupes traditionnels de la livraison tentent de se mettre à la cyclologistique – soit en propre, soit via des startups rachetées. Ces acteurs ont pour la plupart des moyens logiciels que les PME n’ont pas.
Un logiciel façonne forcément la façon dont on travaille dans la vie réelle : on va s’adapter à ses possibilités et ses limitations. Un bon logiciel métier est donc un formidable propagateur de bonnes pratiques d’organisation. Si Cargonautes a su s’organiser et inventer une cyclologistique pérenne et rentable, alors Cyke, notre logiciel, peut être un vecteur pour partager le modèle de Cargonautes auprès d’autres PME de cyclologistique.
C’est la raison de fond de la commercialisation de Cyke : essaimer notre modèle organisationnel – la PME qui salarie ses livreurs – et d’exploitation – les outils pour organiser les tournées, communiquer avec les clients. Nous espérons simplement que Cyke donne des armes pour le succès de la cyclologisitique à taille humaine.
Cyke, sans avoir été officiellement annoncé, a déjà un peu de passif : 10 entreprises de cyclologistique, par le bouche à oreille, l’utilisent déjà, dont des beaux succès comme Fends la Bise, Agilenville, Toutenvélo Marseille, pour 300 000 livraisons effectuées. L’annonce d’aujourd’hui signifie que nous jugeons notre logiciel suffisamment mûr pour être plus largement diffusé dans le secteur.
Notre ambition est d’en faire le logiciel de référence de la cyclologistique indépendante. En termes de fonctionnalités et de diffusion, nous n’en sommes qu’au début. Et notre roadmap (feuille de route) est pleine : connexion à des systèmes externes pour apport d’affaire, amélioration de la gestion des incidents, un meilleur éditeur de grilles tarifaires, automatisation des tournées, meilleure gestion de la consigne, des ruptures de charge…
Si vous voulez y goûter, avoir simplement plus d’informations, éventuellement travailler dans notre équipe, n’hésitez pas à visiter le site web de Cyke ou nous contacter par email à cyke@cargonautes.fr.